En parallèle de son succès grand public, DeepSeek a rapidement trouvé sa place dans le secteur financier chinois. Dès les premières semaines de 2025, un nombre croissant d’institutions bancaires et d’assurance ont annoncé l’adoption des modèles de DeepSeek pour divers cas d’usage, faisant de la startup un fournisseur de référence en coulisses.
Selon un rapport de l’Institut de recherche de la Banque de Chine, cette vague d’adhésions s’explique par les performances élevées et le coût d’entraînement modéré des IA de DeepSeek, perçues comme une alternative locale crédible face aux solutions occidentales coûteuses.
Plusieurs grands groupes financiers publics figurent parmi les pionniers. La Banque Postale d’Épargne et la géante ICBC (Industrial and Commercial Bank of China) ont été parmi les premières à intégrer DeepSeek dans leurs systèmes internes dès janvier 2025.
Des établissements régionaux comme la Banque de Jiangsu, la Banque de Nanjing, la Banque Rurale de Hainan ou la Banque de Pékin leur ont emboîté le pas dans les jours suivants.
Même des compagnies d’assurance de premier plan – Ping An ou New China Life – ainsi qu’une dizaine de sociétés de gestion d’actifs (telles que Fullgoal ou China Universal) ont communiqué sur des projets pilotes exploitant les capacités de DeepSeek.
En un temps record, des dizaines d’entreprises financières chinoises se sont ainsi engagées à implémenter DeepSeek ou l’une de ses applications, signe d’une confiance assez exceptionnelle envers une technologie à peine dévoilée.
Les usages déployés couvrent un large spectre des métiers bancaires. Plusieurs établissements ont mis en place des chatbots client propulsés par DeepSeek pour améliorer leur relation clientèle.
Par exemple, la Banque Postale d’Épargne a enrichi son application mobile d’un assistant virtuel, « Xiaoyou », capable de répondre aux questions courantes des 600 millions d’épargnants qu’elle sert.
De son côté, la Banque de Pékin utilise désormais DeepSeek, via une collaboration avec Huawei, pour analyser ses données financières et détecter des tendances ou anomalies, optimisant ainsi ses décisions d’investissement.
La Banque de Jiangsu exploite le modèle R1 pour automatiser le contrôle qualité de ses contrats et accélérer la vérification de conformité dans l’examen de milliers de documents juridiques quotidiens.
Même les tâches administratives sont concernées : ce même établissement s’appuie sur DeepSeek pour trier et traiter des milliers d’emails entrants chaque jour, un gain de productivité notable dans la gestion de la correspondance.
Enfin, chez l’assureur Ping An, des prototypes utilisent l’IA de DeepSeek pour assister les agents dans l’évaluation des sinistres ou la personnalisation de produits d’assurance, tirant parti de la compréhension fine du langage naturel qu’offre le modèle.
Cette adoption massive bénéficie d’un coup de pouce symbolique de Pékin. La télévision centrale a diffusé en janvier des images du Premier ministre Li Qiang serrant la main de Liang Wenfeng, le fondateur de DeepSeek, lors d’un symposium économique.
Ce geste très médiatisé a été interprété comme le soutien tacite des autorités à l’essor de DeepSeek, perçue comme un champion national de l’IA capable de réduire la dépendance aux technologies américaines. Dans le contexte des tensions technologiques sino-américaines, le succès de DeepSeek sert en effet les objectifs stratégiques de la Chine en matière de souveraineté numérique.
« La réussite de DeepSeek pourrait être cruciale pour contourner les contrôles à l’exportation de Washington et atteindre l’autosuffisance dans les domaines stratégiques comme l’IA », notait Xinhua, l’agence de presse d’État, en commentant la présence de Liang Wenfeng aux côtés des grands patrons chinois lors de ce forum.
Pour les banques et compagnies d’assurance, miser sur DeepSeek présente un double intérêt : bénéficier d’une technologie de pointe à moindre coût et répondre aux encouragements du gouvernement en faveur des solutions locales innovantes.
En conjuguant impératifs business et agenda politique, DeepSeek s’est ainsi frayé une voie royale dans l’écosystème financier de la deuxième économie mondiale. Reste à confirmer sur la durée que ses modèles tiendront leurs promesses en conditions réelles.
Si tel est le cas, la finance pourrait n’être que le premier bastion conquis : d’autres secteurs en Chine – de l’énergie à la logistique – observent déjà avec intérêt cette incursion réussie de l’IA nouvelle génération dans les rouages de l’économie.