Le monde des grands modèles de langage (LLM) open source évolue à une vitesse fulgurante.
Des modèles récents comme DeepSeek viennent concurrencer des références établies telles que LLaMA 2 de Meta, Mistral 7B (et sa variante MoE Mixtral 8×7B), ou d’autres modèles populaires comme Command‑R (Cohere), Zephyr (Hugging Face) et Gemma (Google).
Ces modèles open source se posent en alternatives crédibles à GPT‑4 et aux IA fermées, offrant aux développeurs et décideurs des solutions puissantes sans dépendre de fournisseurs propriétaires.
Cette comparaison approfondie examine leurs caractéristiques techniques (architecture, paramètres, performances sur benchmarks comme MMLU, HumanEval, GSM8K…), ainsi que les aspects pratiques (intégration, API, communauté, licences, mises à jour).
L’objectif est de guider un public technique et professionnel dans le choix du modèle IA open source le plus adapté à leurs besoins, tout en optimisant l’information pour les recherches du type « DeepSeek vs LLaMA », « comparaison IA open source » ou « alternatives open source à GPT‑4 ».
Architecture et taille des modèles
DeepSeek-V3 se distingue par une architecture Mixture-of-Experts innovante. Il compte 671 milliards de paramètres au total, dont 37 milliards activés par token.
En pratique, cela signifie qu’il utilise plusieurs « experts » spécialisés : chaque requête n’active qu’une fraction du modèle, réduisant les besoins de calcul tout en bénéficiant d’un très grand nombre de paramètres globaux.
DeepSeek-V3 utilise aussi une précision mixte FP8 pour l’entraînement (validant pour la première fois l’entraînement FP8 sur un modèle aussi grand).
Son contexte maximal est immense (128 K tokens), ce qui lui permet de gérer de très longues entrées sans perdre en performance.
À titre de comparaison, LLaMA 2 est un modèle dense classique décliné en 7B, 13B et 70B de paramètres, généralement limité à 4 K tokens de contexte (quoique des variantes étendues à 8K/16K existent).
Mistral 7B est un modèle dense plus petit (7,3B paramètres), mais conçu avec des optimisations d’architecture comme le Grouped-Query Attention (GQA) et la Sliding Window Attention (fenêtre coulissante).
Ces techniques améliorent la vitesse d’inférence et portent le contexte de Mistral jusqu’à 8 K tokens (avec une fenêtre locale de 4K) tout en réduisant la consommation mémoire.
Mistral a également exploré les architectures MoE : le modèle Mixtral 8×7B assemble 8 experts de 7B (paramètres totaux ~56B) et route dynamiquement chaque token vers 2 experts.
Ainsi, chaque token voit environ 47 milliards de paramètres, mais seulement 13 milliards sont actifs en inférence.
Cela confère à Mixtral (licence Apache 2.0) une efficacité remarquable : il surpasse LLaMA 2 70B en performances tout en n’ayant que ~13B de charge active – soit un coût d’inférence comparable à un modèle 13B classique.
Gemma 2 de Google adopte une architecture transformer optimisée (avec attention à tête groupée également) et propose des modèles plus légers (2,6B, 9B, 27B paramètres).
Gemma met l’accent sur une profondeur accrue plutôt que la largeur et sur la distillation des connaissances : son modèle 27B atteint presque les performances d’un LLaMA 3 de 70B, grâce à un entraînement sur 13 milliers de milliards de tokens et du knowledge distillation depuis un plus grand modèle.
Command‑R de Cohere est un modèle dense d’environ 35B paramètres, optimisé pour les dialogues et un contexte long (jusqu’à 32K tokens) d’après les configurations publiées.
Enfin, Zephyr 141B se base sur un modèle MoE (Mixtral 8×22B) totalisant 141B paramètres (39B activés).
Il s’agit d’une initiative conjointe de Hugging Face, KAIST et Argilla, utilisant un nouvel algorithme d’alignement (ORPO) pour affiner le modèle.
Zephyr illustre comment la communauté peut bâtir un modèle géant aligné sur la base d’un modèle open source existant (nous y reviendrons).
En résumé, DeepSeek pousse l’échelle des paramètres à un niveau inédit parmi les LLM open source, grâce à l’architecture MoE qui atténue le coût d’inférence par token.
Mistral mise sur l’efficacité small & smart – petit modèle mais très optimisé – et sur la mise à l’échelle via MoE (Mixtral).
LLaMA 2 demeure un modèle dense de référence pour des tailles intermédiaires (jusqu’à 70B). Gemma propose des modèles de taille moyenne avec le savoir-faire de Google Gemini, tandis que Command‑R (35B) et Zephyr (141B MoE) explorent d’autres compromis entre taille, contexte et spécialisation.
Performances comparatives sur les benchmarks
La performance de ces modèles a été mesurée sur de nombreux benchmarks standard, couvrant le raisonnement, la connaissance, le code et le calcul mathématique. Voici quelques faits saillants des résultats récents (2024–2025) :
- Raisonnement et connaissances générales (MMLU) : DeepSeek-V3 affiche un score MMLU 5-shot de ~87 %, ce qui le place au-dessus de tous les autres modèles open source et même à hauteur des modèles fermés les plus avancés. Par exemple, DeepSeek-V3 obtient 87,1 % sur MMLU, contre ~84–85 % pour LLaMA 3.1 (405B) ou Qwen 2 72B. En version conversationnelle, DeepSeek-V3 atteint 88,5 % (exact match) sur MMLU, faisant jeu égal avec GPT-4 (≈88 %) et surpassant Claude 3.5. LLaMA 2 70B, plus ancien, se situait autour de ~63–70 % sur MMLU d’après les rapports de 2023 (significativement moins élevé). Mistral 7B, quant à lui, est exceptionnel pour sa taille : ~60 % sur MMLU, soit mieux qu’un LLaMA 2 13B (~55 %) et rivalisant avec des modèles 30B+ de la génération précédente. Gemma 2 27B atteint ~75 % sur MMLU, proche d’un LLaMA 3 70B (79 %). Même Gemma 9B obtient ~71 % (après fine-tuning instruct), ce qui est remarquable pour un modèle <10B. Ces chiffres démontrent que DeepSeek établit un nouveau sommet, tandis que Mistral et Gemma repoussent les limites d’efficacité par paramètre.
- Code (programmation) – HumanEval, MBPP, etc. : DeepSeek-V3 excelle particulièrement en génération de code. Sur HumanEval (résolution de problèmes de code), il atteint 65 % pass@1 en 0-shot. C’est bien au-dessus des modèles open précédents : par exemple LLaMA 2 70B tournait autour de ~50 %, et LLaMA 3.1 405B affiche ~55 %. Qwen2 72B est à ~53 %. DeepSeek-V3 surpasse même des modèles réputés pour le code comme CodeLlama. Sur MBPP (mini projets de code en Python), DeepSeek-V3 obtient 75,4 % (pass@1, 3-shot) là où LLaMA 3.1 est à ~68 %. En mode chat instruct, DeepSeek-V3 résout 82,6 % des questions HumanEval multi-turn, ce qui dépasse GPT-4 (80,5 % dans ce test). Mistral 7B s’en tire honorablement sur le code pour un 7B : ~30 % sur HumanEval, ~47 % sur MBPP – quasiment le niveau d’un LLaMA 2 13B, grâce à un entraînement ciblé et sa capacité à maintenir de la performance en anglais technique. Le modèle Mixtral 8×7B va plus loin : selon Mistral AI, Mixtral surpasse LLaMA 2 70B sur la génération de code. On observe par exemple Mixtral 8×7B-Instruct obtenir 77,8 % sur HumanEval (pass@1), rivalisant avec GPT-3.5 Turbo et CodeLlama 34B. Gemma 27B Instruct atteint environ 52 % sur HumanEval (pass@1)– un score là aussi élevé pour 27B, grâce à l’apport de données de codage dans son pré-entrainement. Zephyr 141B, de son côté, est très compétent en code et raisonnement logique suite à son alignement ORPO : il obtient par exemple 65,06 sur IFEval (benchmark d’exactitude factuelle) et se montre supérieur à d’autres modèles instruct open de gamme similaire.
- Mathématiques (GSM8K, MATH) : Ces tâches de résolution de problèmes mathématiques sont particulièrement difficiles pour les LLM. DeepSeek-V3 domine une fois de plus : sur GSM8K (problèmes de niveau école primaire), il atteint 89,3 % (8-shot), alors que même GPT-4 tournait autour de 85 %. À titre de comparaison, LLaMA 3.1 405B fait ~83,5 %, et Qwen2 72B ~88,3 %. Sur MATH (problèmes de compétition), DeepSeek-V3 arrive à 61,6 % (4-shot) là où LLaMA 3.1 plafonne vers ~49 %. Mistral 7B a surpris par ses compétences en maths : ~52 % sur GSM8K, bien au-delà des ~34 % de LLaMA 2 13B. Ceci s’explique par l’accent mis sur le raisonnement pas-à-pas dans son entraînement. Mixtral 8×7B pousse encore la barre : son instruct fine-tuné dépasse de loin LLaMA 2 70B sur les benchmarks mathématiques. Gemma 27B, quant à lui, atteint ~42 % sur MATH 500 (4-shot) – proche d’un GPT-3.5 – et son modèle 9B obtient ~37 %, grâce à la distillation depuis un grand modèle spécialisé. Ici encore, DeepSeek-V3 se classe au top, et c’est sur ce genre de tâches de calcul complexe qu’il creuse l’écart avec la plupart des autres open source (un avantage attribuable en partie à l’intégration de capacités de Chain-of-Thought via la distillation de son modèle DeepSeek-R1 dédié au raisonnement).
- Benchmarks multilingues : Nous détaillons la dimension langues dans la section suivante, mais notons déjà que sur CMMLU (MMLU en chinois), DeepSeek-V3 atteint ~89 %, contre ~73 % pour LLaMA 3 8B ou ~74 % pour Mistral 7B dans certains tests. Sur C-Eval (examens universitaires chinois), DeepSeek-V3 chat obtient 86,5 %, surpassant Claude 3.5 et GPT-4 0513. Cela témoigne d’une forte capacité multilingue. Mixtral 8×7B rapporte également des gains majeurs en langues non anglaises, surpassant LLaMA 2 70B sur des benchmarks multilingues variés.
En synthèse, DeepSeek-V3 s’impose comme le modèle open source le plus performant sur la majorité des benchmarks standard, rivalisant même avec les titans propriétaires comme GPT-4 et Claude.
Il excelle particulièrement en raisonnement complexe, en code et en math, tout en maintenant une performance élevée en connaissances générales.
Mistral 7B et sa version MoE Mixtral démontrent qu’avec des architectures astucieuses, un petit modèle peut battre des modèles 2 à 10 fois plus gros (par ex. Mistral 7B > LLaMA 2 13B sur tous les tests).
Gemma illustre la stratégie de Google pour offrir des modèles plus petits mais optimisés : son 27B avoisine le niveau d’un LLaMA 70B, et ses variantes instruct établissent de nouveaux records dans leurs catégories de taille (Gemma 27B chat a même surpassé LLaMA 3 70B en évaluation humaine Chatbot Arena).
Command‑R est moins documenté publiquement sur les benchmarks, mais Cohere indique qu’il “performs… at higher quality, more reliably, with longer context” que les modèles précédents de la marque.
Des retours d’utilisateurs signalent en tout cas des réponses très détaillées et précises, y compris en langues non anglaises, pour Command‑R+ (35B) – ce qui montre son excellente capacité conversationnelle sur des tâches complexes.
Zephyr 141B enfin, grâce à l’alignement ORPO, obtient un score MT-Bench ~8.17 (sur 10) comparable aux meilleurs modèles open instruct du moment, tout en étant entièrement open source (issu de Mixtral 8×22B).
Capacités multilingues
L’aptitude à comprendre et générer du texte en plusieurs langues est un critère crucial pour de nombreux cas d’usage. Sur ce point, les modèles open source affichent des niveaux variés :
- DeepSeek-V3 a été entraîné sur 14,8 milliers de milliards de tokens très diversifiés, ce qui inclut de larges corpus multilingues. Les résultats mentionnés plus haut (C-Eval, CMMLU) montrent qu’il maîtrise très bien le chinois notamment, avec des scores >85 %. Il obtient aussi 79,4 % sur MMMLU non-English (une version multilingue de MMLU), signifiant qu’il répond juste aux trois quarts de questions dans des langues autres que l’anglais – une performance inégalée en open source. DeepSeek supporte donc le multilingue de manière native, ce qui en fait un choix solide pour des applications globales.
- LLaMA 2 a été entraîné sur 20 langues environ (dont anglais, français, mandarin, espagnol…). Il se débrouille dans les langues européennes, mais était moins performant en chinois ou arabe que des modèles spécialement centrés sur ces langues. Son successeur LLaMA 3 (s’il est disponible) améliore possiblement cela, mais dans l’ensemble Meta n’a pas positionné LLaMA 2 comme un champion du multilingue, plutôt comme un modèle principalement anglais avec des capacités de base en autres langues. En comparaison, des modèles open source comme Baichuan, Bloomz ou XLM étaient davantage orientés multilingue, mais ils ne font pas partie de notre liste ici.
- Mistral 7B a surpris par une certaine robustesse multilingue malgré sa petite taille. Les auteurs notent qu’il surpasse LLaMA 2 13B sur les benchmarks de connaissances du monde réel, et notamment qu’il est « vastement supérieur sur les benchmarks math, code et multilingues » par rapport à LLaMA 2 70B. Concrètement, Mistral 7B a probablement bénéficié de données multilingues de qualité, lui permettant d’atteindre, par exemple, ~44 % sur AGIEval (un benchmark en partie en chinois) contre ~45–46 % pour LLaMA 3 8B. Cependant, une étude Gemma indique que Mistral 7B peut être moins robuste que leurs modèles sur certaines variations de format en MMLU multilingue. En somme, Mistral gère plutôt bien plusieurs langues, mieux que ne le ferait un LLaMA 2 de taille comparable, mais reste en retrait des géants comme DeepSeek sur des langues non latines.
- Mixtral 8×7B profite de la base Mistral 7B et donc de ses compétences. Son instruct fine-tuné est même annoncé comme « surpassant GPT-3.5 Turbo, Claude 2.1, Gemini Pro, et LLaMA 2 70B-Chat sur des évaluations humaines ». On peut en déduire qu’en conversation multilingue, Mixtral 8×7B-Instruct est très performant (puisque GPT-3.5 et Claude 2.1 sont utilisables en français et autres langues avec un bon niveau).
- Gemma 2 est principalement un modèle anglophone. Google a entraîné Gemma avec le même pipeline que Gemini (le futur modèle fermé), mais la version open est annoncée « disponible en anglais » uniquement. Autrement dit, Gemma n’est pas multilingue par conception – il comprendra certainement un français simple ou quelques mots d’espagnol, mais ses performances en seront dégradées. Les benchmarks fournis pour Gemma (MMLU, GSM8K, etc.) étaient d’ailleurs tous en anglais. Cela limite l’usage de Gemma pour des projets nécessitant une IA parlant couramment français, allemand ou autre, à moins de le fine-tuner spécifiquement.
- Command‑R de Cohere a été conçu pour les entreprises et les cas d’usage professionnels, incluant souvent le multilingue. Cohere n’a pas publié de score public en dehors de l’anglais, mais des utilisateurs ont rapporté que « les performances en langues non anglaises sont impressionnantes », y compris sur des tâches de recherche d’information (RAG). On peut supposer qu’avec 35B de paramètres et un entraînement orienté “assistant” conversationnel, Command‑R gère correctement plusieurs langues, peut-être avec une emphase sur les langues les plus parlées (anglais, français, espagnol…). Cohere ayant un marché international, c’était sans doute un critère. Néanmoins, étant donné la licence non commerciale (voir plus loin), Command‑R est moins évoqué dans la communauté open source, et on manque de données objectives sur sa maîtrise du multilingue par rapport aux autres.
- Zephyr 141B a été affiné principalement en anglais (dataset de préférences synthetiques en anglais). Son rôle d’assistant helpful se focalise sur l’anglais par défaut. Cependant, héritant du modèle Mixtral 8×22B (base Mistral), il possède certainement une compréhension de base de nombreuses langues. Il est probable que Zephyr puisse converser en français de manière cohérente (d’autant que Mistral 7B le pouvait déjà), mais ce n’est pas sa spécialité première.
En résumé, pour un besoin multilingue fort (par ex. un chatbot devant répondre en français, anglais, arabe et chinois), DeepSeek-V3 est un des meilleurs choix open source actuels, ayant démontré d’excellents scores en chinois et une base d’entraînement massive couvrant de nombreuses langues.
Mistral/Mixtral offrent un compromis intéressant pour le multilingue avec moins de ressources – Mistral 7B a montré qu’il pouvait égaler ou dépasser des modèles bien plus grands sur des tests non-anglophones.
LLaMA 2 reste compétent dans un ensemble de langues européennes, sans plus. Gemma et Command‑R sont davantage limités à l’anglais (du moins dans leur version open pour Gemma, et faute d’informations pour Command‑R).
Quant à Zephyr, on peut le considérer comme anglophone, même s’il hérite d’une base multilingue : il faudra sans doute le fine-tuner avec des instructions dans d’autres langues pour qu’il atteigne son plein potentiel en français ou autre.
Facilité d’intégration et écosystème
Outre la performance brute, l’adoption d’un modèle IA dépend de son intégration technique et du soutien de la communauté. Voici un tour d’horizon pratique pour chaque modèle :
- DeepSeek – La version V3 étant très récente (fin 2024), l’écosystème se met en place rapidement. DeepSeek propose déjà une interface chat web et une app mobile gratuites pour tester le modèle (DeepSeek Chat). Une API compatible OpenAI est disponible sur la plateforme DeepSeek pour les développeurs, ce qui facilite énormément l’intégration (on peut interroger DeepSeek comme on interrogerait GPT-4 via l’API OpenAI). Pour un déploiement local, DeepSeek fournit un guide détaillé : différentes solutions open source sont prises en charge – DeepSeek-Infer (demo légère), SGLang, LMDeploy, TensorRT-LLM, vLLM, LightLLM. En clair, ils ont collaboré avec les communautés pour permettre l’inférence en FP8/BF16 sur multi-GPU (Nvidia, AMD, Huawei Ascend…). L’intégration HuggingFace Transformers n’est pas encore native (poids FP8 non standard), mais des convertisseurs BF16 existent. Côté communauté, l’engouement est énorme : plus de 700 modèles dérivés (fine-tunés, quantisés, spécialisés) de DeepSeek-V3 et R1 sont déjà publiés sur Hugging Face, totalisant plus de 5 millions de téléchargements. Cela signifie un support actif (forums, Discord) et une documentation riche (paper arXiv, README technique). En somme, DeepSeek est facile à tester via API, et déployable on-premise avec du matériel haut de gamme et un peu d’effort. La communauté s’approprie rapidement l’outil, ce qui garantit des améliorations (ex : support Transformers à venir) et du support informel. Le principal frein pratique reste la taille du modèle : avec 671B paramètres (FP8) il faut une grappe de GPUs pour le faire tourner en local. L’inférence coûteuse (en VRAM et calcul) rend improbable une exécution sur un simple PC portable. DeepSeek est donc surtout intégré via l’API cloud pour la plupart des utilisateurs, tandis que seuls les laboratoires ou grandes entreprises pourront envisager un self-hosting complet sur plusieurs A100/H100.
- LLaMA 2 – Sorti mi-2023, LLaMA 2 a bénéficié d’un écosystème pléthorique. Meta a fourni les poids sur Hugging Face dès le départ, ce qui a permis à la communauté de l’intégrer partout : Transformers, LangChain, PyTorch, ainsi qu’une multitude de runtimes optimisés (llama.cpp pour CPU, GGML quantizations, etc.). Des dizaines de fine-tunes sont parus (Vicuna, WizardLM, Alpaca, Guanaco, Chronos, etc.) pour le personnaliser à des usages variés (chat, rôleplay, coding…). LLaMA 2 est sans doute le modèle open source qui a le plus grand support tiers : on le retrouve dans des solutions MLOps, des démos Web, des plugins VSCode, etc. Pour un développeur, intégrer LLaMA 2 est trivial – une seule ligne
AutoModel.from_pretrained("meta-llama/Llama-2-13b")
dans Transformers suffit. De plus, Meta a publié des variantes chat déjà finetunées (Llama-2-Chat) pour chaque taille, ce qui évite de devoir soi-même faire du RLHF. Le support communautaire est excellent : forums comme HuggingFace, Reddit (r/LocalLLaMA) fourmillent de conseils, et des outils comme KoboldAI, Oobabooga Text UI ont ajouté LLaMA 2 en standard. En termes de dépendances hardware, LLaMA 2 7B et 13B tournent sur un GPU grand public (8–16 Go) grâce aux quantifications 4-bit, tandis que la version 70B nécessite 2–4 GPUs de 24 Go ou des techniques de déchargement vers la RAM. Pour des entreprises, LLaMA 2 est attractif car il peut être déployé sur leur cloud privé sans coût licence, et de nombreuses startups proposent des services managés autour de LLaMA. En résumé, LLaMA 2 jouit d’une intégration la plus mature et éprouvée de tous, grâce à l’effet de masse communautaire dès 2023. - Mistral 7B / Mixtral – Bien que plus récent (sept. 2023 pour 7B, janv. 2024 pour Mixtral), Mistral s’est fait une place de choix dans la communauté open source. Le modèle Mistral 7B a été publié sous licence Apache 2.0 avec ses poids dès le jour de l’annonce. L’équipe a aussi fourni un repo GitHub de référence pour l’inférence, incluant la gestion de la sliding window 8K. Rapidement, Hugging Face l’a hébergé, et des quantizations (4-bit, 8-bit) sont apparues. Intégrer Mistral 7B est aussi simple que LLaMA dans Transformers (
model = AutoModel.from_pretrained("mistralai/Mistral-7B-v0.1")
). De plus, Mistral a démontré la compatibilité avec des serveurs d’inférence optimisés comme vLLM (pour des déploiements cloud efficients). La communauté a adopté Mistral notamment pour son rapport qualité/taille : de nombreux chatbots locaux l’ont intégré, parfois à la place de LLaMA 13B. On trouve par exemple Mistral finetuné en assistant (nous-Hermes-13B-Mistral, etc.). La version instruct officielle de Mistral (7B Instruct v0.1) est elle aussi disponible sur HF, offrant une base conversationnelle performante. Concernant Mixtral 8×7B, là encore les poids sont sur Hugging Face (mistralai/Mixtral-8x7B-v0.1) avec licence Apache. L’inférence MoE est un peu plus complexe, mais la communauté Hivemind de HuggingFace a travaillé dessus, et Text Generation Inference (TGI) supporte Mixtral (HuggingFace a même déployé Zephyr 141B sur HuggingChat via TGI MoE). Donc, même les modèles MoE de Mistral commencent à être pris en charge par des serveurs optimisés open source. L’écosystème Mistral est plus jeune mais très prometteur : avec une seconde levée de fonds (400M€) et la mention d’un Mistral Large en développement, on peut s’attendre à des mises à jour régulières. La compatibilité ascendante (ex : Mixtral qui utilise l’archi Mistral 7B) facilite l’adoption. En pratique, déployer Mistral nécessite peu de ressources – 7B tient sur un seul GPU 16 Go en 8-bit sans souci, et offre déjà des résultats comparables à un 13B. C’est un modèle idéal pour embarquer dans des solutions mobiles ou des applications légères, là où DeepSeek ou LLaMA 70B seraient inenvisageables. - Gemma 2 – Google a publié Gemma de façon plutôt structurée : les poids (pré-entraînés et fine-tunés instruct) sont sur Hugging Face sous l’organisation google/, accompagnés d’une fiche modèle complète et d’outils. On note toutefois que l’accès au modèle requiert d’accepter des termes d’utilisation (via un login HF). La licence de Gemma n’est pas une licence ouverte standard (elle est intitulée “gemma license”), ce qui laisse entendre des conditions particulières – possiblement une restriction sur les usages commerciaux ou l’obligation de respecter certaines règles Google Responsible AI. Pour l’intégration technique, Google propose Gemma via plusieurs canaux : le Gemma API sur Google Cloud (Vertex AI Model Garden) pour ceux qui utilisent GCP, un package pip
local-gemma
pour exécuter facilement en local, et même une intégration à Kaggle. En local, Gemma 27B nécessite environ 2 GPUs 24 Go (ou 1 GPU 48 Go) en FP16, mais fonctionne très bien en 8-bit ou 4-bit (Google met en avant que Torch compile permet de le rendre 6× plus rapide en inférence). La documentation est de qualité (exemples de code dans le model card pour pipeline, accelerate, quantization…). En termes de communauté, Gemma est soutenu par l’initiative Google Research : c’est un gage de sérieux, mais la communauté open source large s’en est un peu moins emparée que LLaMA/Mistral, sans doute à cause de la barrière du login et du focus anglais. Néanmoins, on trouve déjà des quantizations GGUF, GPTQ de Gemma 27B sur HuggingFace (par exempleunsloth/gemma-2-27b-bnb-4bit
). Donc intégrer Gemma dans un projet Python est faisable comme n’importe quel LLM dans Transformers. Les entreprises y verront un avantage de soutien par Google (qui fournit outils et peut-être support GCP), mais un inconvénient potentiel dans la licence non standard (à examiner de près pour un produit commercial). - Command‑R (Cohere) – Cohere a rendu disponibles les modèles Command R et R+ (35B) via sa filiale à but non lucratif Cohere For AI. Toutefois, ils sont publiés sous une licence Creative Commons BY-NC (Attribution Non-Commercial). Cela signifie qu’on peut télécharger les poids et les utiliser pour des projets personnels ou de recherche, mais pas pour un service commercial sans accord spécifique. Cette restriction a freiné l’enthousiasme de la communauté open source commerciale, car elle ne peut pas être intégrée librement dans des produits. Techniquement, Command R est disponible sur HuggingFace Hub (modèles c4ai-command-r), et certain·e·s l’ont intégré dans des UI comme HuggingChat ou OpenRouter. Ainsi, on peut tester Command‑R facilement en ligne. Son intégration programme requiert néanmoins de respecter la limite de licence. Il est probable que Cohere souhaite surtout que les développeurs utilisent leur API propriétaire (où Command R est accessible commercialement via des appels payants). En somme, Command‑R est un peu à part : c’est un modèle potentiellement puissant, mais pas “open source” au sens libre (juste open weight restreint). Pour un projet d’entreprise cherchant du 100 % open, Command‑R n’est pas éligible. Pour la communauté, il sert surtout de référence de performance (comme on citerait GPT-3.5). À noter que Cohere fournit une excellente documentation de leurs modèles via leurs docs en ligne, ce qui aide à comprendre comment l’utiliser (via API ou local). Mais le véritable support communautaire est limité du fait de la non-liberté d’usage.
- Zephyr 141B – Zephyr est un cas intéressant d’innovation communautaire. Étant un fine-tune du Mixtral 8×22B, il hérite de la licence Apache 2.0, donc aucune restriction d’usage. Hugging Face H4 et ses partenaires ont mis en vitrine ce modèle en l’ajoutant gratuitement sur HuggingChat (interface chat publique), ce qui permet à n’importe qui de l’essayer sans installation. Les poids de Zephyr (v0.1) sont disponibles sur HF et l’inférence nécessite un support MoE (soit via Text Generation Inference qui a un mode MoE, soit via DeepSpeed-MoE, etc.). La documentation de Zephyr est très détaillée dans son model card, expliquant l’algorithme ORPO d’alignement. On y trouve aussi des exemples de code pour le déployer avec
pipeline()
de Transformers en BF16. Zephyr étant collaboratif, on peut s’attendre à ce que la communauté continue de l’améliorer (v0.2, etc.). Cependant, notons qu’avec 141B paramètres, même si seulement 39B sont actifs, il faut idéalement au moins 2 ou 4 GPUs pour une inférence fluide. Son déploiement local est réservé à des stations de travail très musclées ou à un serveur multi-GPU. Ce n’est pas un modèle “léger” comme Mistral 7B. Zephyr vise plutôt à montrer qu’une communauté open peut aligner un modèle géant (≥100B) et concurrencer les meilleurs. En termes d’intégration, si l’on dispose de l’infrastructure adéquate, Zephyr peut être chargé via Transformers (il utilise la classeMoEModel
du libtransformers
adaptée par HF). La communauté Hugging Face H4 soutient activement ce projet, donc de l’aide est disponible sur leurs canaux (Discord HF, forums). Pour un décideur, Zephyr prouve que même des modèles très avancés sont accessibles gratuitement et sans verrou propriétaire – avec toutefois la complexité technique que cela implique.
En conclusion sur l’aspect intégration : LLaMA 2 reste le champion de la facilité d’utilisation (standard de facto, multiplateforme). Mistral 7B n’est pas loin derrière pour qui cherche un modèle compact plug-and-play.
DeepSeek-V3 a comblé une partie de son retard d’intégration en quelques mois grâce à ses efforts d’API et d’outils – il est désormais utilisable via API comme un service, ou localement avec du matériel HPC. Gemma 2 s’insère bien dans l’écosystème Google/Transformers mais impose de prendre en compte ses conditions d’utilisation.
Command-R est facile à tester mais difficile à adopter en production (licence NC). Zephyr et Mixtral démontrent une intégration progressive des MoE dans les outils existants, signe que même ces architectures autrefois complexes deviennent exploitables par la communauté open source.
Licences et mises à jour
La licence d’un modèle open source détermine dans quel contexte on peut l’utiliser (projet commercial ou non, nécessité d’attribution, etc.). Voici un comparatif :
- DeepSeek-V3 est publié de façon ouverte : le code est sous MIT et le modèle autorise les usages commerciaux. La licence modèle DeepSeek n’est pas exactement une licence standard OSI, mais la documentation précise que toute la série DeepSeek-V3 (base et chat) supporte l’usage commercial sans restriction. C’était un choix stratégique de l’entreprise pour maximiser l’adoption. Ainsi, une société peut intégrer DeepSeek dans ses produits sans crainte juridique (bien sûr, en acceptant d’éventuelles clauses de non-responsabilité comme pour tout LLM).
- LLaMA 2 est fourni sous une licence Meta spécifique. Celle-ci est gratuite y compris pour un usage commercial, à condition d’accepter les conditions d’utilisation (principalement de ne pas utiliser le modèle pour des applications illicites ou pour améliorer des armes, etc.). En pratique, la licence LLaMA 2 est proche d’une licence Apache mais avec un Engagement d’Utilisation Responsable. Des milliers d’entreprises ont déjà utilisé LLaMA 2 sans problème, c’est donc considéré comme sûr d’un point de vue légal (à l’inverse du premier LLaMA 1 qui était limité à la recherche).
- Mistral 7B/Mixtral sont sous Apache 2. C’est la licence la plus permissive et claire possible : on peut modifier, redistribuer, intégrer dans un produit commercial, sans obligation autre que de conserver la notice de licence. C’est un atout majeur de Mistral, qui vise justement les entreprises européennes cherchant une alternative open source sans aucune contrainte.
- Gemma 2 – la licence exacte n’est pas publique, mais le fait qu’il faille s’identifier sur HF pour y accéder laisse penser à une licence de type Recherche ou usage non-protégé. Google mentionne des Terms of Use spécifiques, ce qui indique potentiellement une interdiction d’usage pour générer du contenu nocif ou une limite de responsabilité. Toutefois, Google a ouvertement positionné Gemma comme open weights, on peut donc supposer que l’usage commercial est autorisé mais encadré (peut-être faut-il juste citer Google ou ne pas utiliser le nom Gemma dans le produit final). Sans le texte exact, la prudence est de rigueur pour une entreprise : il faut examiner et accepter ces termes sur HuggingFace. Dans tous les cas, Gemma n’est pas “non-commercial” – Google souhaite promouvoir des usages innovants par tous, tout en se dégageant de certaines responsabilités.
- Command‑R : Comme évoqué, licence CC BY-NC 4.0, c’est-à-dire usage non commercial uniquement. CohereForAI conserve les droits commerciaux. Cela disqualifie Command‑R pour tout produit monétisé, sauf négociation d’une licence payante avec Cohere (non documentée publiquement). Pour la communauté, cette licence NC est souvent vue comme non “open source” au sens strict, car ne respectant pas la liberté d’usage. En comparaison, d’autres modèles récents (ex : Falcon de TII) avaient aussi mis une clause NC et n’ont pas eu autant d’adoption que les modèles Apache/MIT.
- Zephyr 141B : Licence Apache 2.0 (héritée du base Mixtral). Donc complètement libre d’utilisation. Idem pour la plupart des modèles mentionnés dans le classement KLU.ai (Gemma mis à part).
En termes de fréquence de mise à jour : LLaMA 2 et Mistral 7B étant des versions initiales, leurs évolutions sont LLaMA 3 (attendu en 2024) et possiblement un Mistral plus grand (le terme Mistral Large 2 a été cité dans certains leaderboards).
DeepSeek, en revanche, a démontré une cadence rapide : V1, V2, V2.5 puis V3 en l’espace d’un an, et DeepSeek-R1 en parallèle comme modèle auxiliaire de raisonnement.
On peut s’attendre à ce que l’entreprise continue sur cette lancée, surtout avec le soutien de la communauté et le succès rencontré (DeepSeek a provoqué un séisme boursier en janvier 2025 en faisant chuter les actions de géants de l’IA de $600 milliards en une journée, signe qu’il est pris très au sérieux).
Mistral AI, avec ses financements, va sans doute publier régulièrement (v0.2 du 7B est sortie discrètement avec quelques améliorations, Mixtral pourrait avoir une version v0.2 instruct plus aboutie prochainement).
Gemma étant un projet Google, on peut penser qu’il sera mis à jour lors de la sortie de Gemini (le modèle fermé multi-modal de Google) – Gemma 3 ou 2.1 pourrait voir le jour pour rester aligné en recherche.
Cohere, de son côté, améliore ses modèles en continu en interne, mais on ignore s’ils prévoient de republier une version open weights plus permissive. Zephyr, enfin, est déjà annoncé comme v0.1 (bêta), et devrait évoluer (peut-être en s’appuyant sur la base Mixtral 8×22B v0.2 si elle sort, etc.).
Ainsi, pour un décideur, il est important de noter que DeepSeek et Mistral montrent une trajectoire de progression rapide, soutenue par des équipes dédiées et des communautés open source vibrantes.
Meta publie ses LLaMA relativement régulièrement (de 1 à 2, puis possiblement 3 en un an). Google s’implique via Gemma, ce qui est de bon augure pour des itérations futures (tant que cela sert leur stratégie d’écosystème).
En revanche, un modèle comme Falcon (non abordé ici) a souffert de l’arrêt de mises à jour, tout comme StableLM, montrant que sans soutien continu, un LLM open peut vite perdre de son attrait.
Heureusement, les acteurs comparés ici sont tous soutenus par des organisations solides (entreprises ou communautés majeures), donc l’utilisateur peut espérer des améliorations régulières, des correctifs (par ex. réduction des hallucinations, versions plus grandes ou plus fines).
Forces et faiblesses de DeepSeek face aux autres modèles
Pour conclure cette comparaison, examinons les atouts spécifiques de DeepSeek et comment il se positionne face aux autres LLM open source, ainsi que les éventuelles faiblesses à connaître :
- Puissance de raisonnement et de calcul : DeepSeek-V3 est clairement le plus fort en performance brute (raisonnement, maths, code). Il dépasse LLaMA 2, Mistral et consorts sur presque tous les benchmarks mesurant l’intelligence pure. Par exemple, en raisonnement multi-disciplinaire, DeepSeek-V3 obtient ~87 % sur MMLU là où LLaMA 2 70B était vers 68 %. Sur des défis comme GSM8K (math), il rivalise voire surpasse GPT-4. Autrement dit, DeepSeek offre une qualité de réponses inégalée en open source, qui se rapproche des modèles fermés state-of-the-art. C’est un avantage décisif pour des applications exigeantes (conseil juridique automatisé, diagnostic médical IA, etc.). En face, LLaMA 2 a une performance plus modeste mais reste un généraliste robuste, Mistral/Mixtral brillent surtout par leur efficacité paramétrique (forts pour leur taille, mais en valeur absolue inférieurs à DeepSeek), Gemma 27B atteint le niveau d’un modèle ~70B classique mais pas celui d’un 670B MoE, et Command-R se situerait autour d’un 70B dense de bonne facture (Cohere le positionne proche de GPT-3.5). Zephyr se rapproche du sommet aussi (il bat beaucoup de modèles open dans les arènes de chat), mais il reste en deçà d’un DeepSeek-V3 en chiffres purs, notamment sur les questions très complexes ou la connaissance fine du fait que sa base est un 22B×8 experts contre 37B×… pour DeepSeek.
- Capacité multilingue et contextuelle : DeepSeek propose un contexte 128K unique et maintient sa cohérence sur de très longues entrées. Cela le rend idéal pour analyser de longs documents ou réaliser du chain-of-thought sur de vastes contextes (exemple : synthèse d’un rapport de 200 pages en une requête). Aucune autre open source n’offre nativement 128K de contexte à ce jour – LLaMA 2 est à 4K (voire 32K via des patchs RoPE tardifs, mais avec dégradation potentielle), Mistral 7B est à 8K, Gemma 27B 4K, Command-R 32K. Donc DeepSeek excelle pour les usages à très long contexte (par ex. ingestion de bases de connaissances entières). Sur le multilingue, on l’a vu, DeepSeek est aussi en tête (particulièrement en chinois, ce qui correspond aux besoins de son créateur chinois). Mistral se débrouille bien mais plus sur de l’anglais/européen amélioré, LLaMA 2 est correct sans plus en langues, Gemma et Command-R surtout anglais. Ainsi, pour une entreprise internationale, DeepSeek offrirait la polyvalence linguistique la plus élevée, là où d’autres pourraient nécessiter des fine-tunes par langue ou l’usage de plusieurs modèles spécialisés.
- Efficience et coûts d’inférence : C’est sans doute le point faible majeur de DeepSeek. Même avec son astuce MoE (37B activés), un modèle de cette envergure consomme énormément de VRAM et de temps de calcul par requête. DeepSeek-V3 a nécessité 2,788 millions d’heures GPU H800 pour l’entraînement, et bien qu’il soit optimisé, l’inférence reste coûteuse : en FP8 il faut du matériel supportant cette précision, et probablement au minimum 8 GPU A100/H100 pour le servir de manière fluide (parallélisme tensoriel requis). Quant à le faire tourner sur CPU ou petite machine, c’est exclu (même un quantization 4-bit occuperait ~300 Go de RAM, donc c’est serveur only). À l’opposé, Mistral 7B peut s’exécuter sur un simple PC portable (via 4-bit quant sur CPU ou un eGPU modeste), LLaMA 13B sur un GPU 12Go, etc. Donc les coûts d’infrastructure de DeepSeek sont très élevés. Cela implique que pour un déploiement à l’échelle, il faudra investir lourdement en GPUs ou utiliser l’API DeepSeek (dont le coût d’utilisation n’est pas encore communiqué, mais on peut s’attendre à ce qu’il soit non négligeable au vu des ressources mobilisées). En comparaison, LLaMA 2 ou Mistral offrent des solutions bien plus économiques à servir : une instance 8GPU peut héberger des dizaines de pods LLaMA 7B en quant8, ou quelques pods LLaMA 70B en 4-bit, alors qu’elle ne ferait tourner qu’une seule instance DeepSeek. Ainsi, si le coût d’inférence ou la latence (temps de réponse) est critique, un modèle plus petit mais optimisé (Mistral 7B, Mixtral 13B) pourrait être préférable, quitte à sacrifier un peu de qualité. Command-R a été conçu pour scalability chez Cohere, donc sans chiffres publics, on peut supposer qu’il gère bien le long contexte en streaming, etc., mais étant 35B dense il reste plus lourd qu’un Mistral mais plus léger qu’un DeepSeek.
- Intégration dans des appareils ou logiciels : DeepSeek, du fait de sa taille, n’est pas prêt d’arriver en local sur mobile ou navigateur. Même compressé, c’est impossible hors cloud. En revanche, Mistral 7B commence à être expérimenté sur mobile (des démonstrations d’un Mistral 7B 4-bit tournant à 1 token/s sur un smartphone haut de gamme existent). LLaMA 2 7B aussi a été porté en local sur des petits devices. Donc pour des solutions embarquées (Edge AI), DeepSeek est hors de portée – on se tournera vers des modèles <13B. DeepSeek a quand même une app mobile, mais il s’agit d’un client connecté à leur serveur cloud. L’avantage de DeepSeek est plutôt pour les services cloud centralisés d’une entreprise (où l’entreprise peut se permettre un cluster pour avoir la performance ultime). À l’inverse, Mistral et LLaMA s’intègrent dans des workflows existants très facilement, et peuvent même fonctionner en air-gap (machine déconnectée) pour des questions de confidentialité, là où DeepSeek de par son hardware requis incitera plus souvent à passer par un tiers (DeepSeek cloud ou un fournisseur disposant des GPUs nécessaires).
- Finesse des réponses et alignement : D’un point de vue qualité de la réponse (style, alignement sur les consignes, évitement des dérapages), DeepSeek-V3 Chat a bénéficié d’un RLHF et d’une distillation sur R1, ce qui lui donne un bon équilibre : il peut fournir des raisonnements détaillés (grâce à R1 intégré) tout en restant sous contrôle en sortie. Des tests conversationnels ouverts (AlpacaEval 2.0, etc.) montrent qu’il domine les autres open sur les conversations générales – p.ex. DeepSeek-V3 a 70 % de victoires AlpacaEval contre ~50 % pour GPT-4, ce qui indique des réponses très complètes et pertinentes en chat. Cependant, toute cette puissance implique qu’il peut aussi produire des réponses très convaincantes même en cas d’erreur, donc la vigilance sur d’éventuelles hallucinations doit être de mise (comme pour GPT-4). Face à lui, LLaMA 2-Chat était reconnu pour son alignement assez prudent (parfois jugé trop filtrant par la communauté). Mistral 7B Instruct n’a pas de filtrage/moralité intégré (ils l’ont dit explicitement), donc il peut être plus libre (moins de refus) mais aussi potentiellement moins sûr pour un déploiement grand public sans garde-fous. Gemma 2 Instruct a sûrement bénéficié du savoir-faire Google en RLHF orienté conversation multi-tour, son Elo élevé sur Chatbot Arena (1218) indique qu’il fournit d’excellentes réponses tout en restant factuel. En revanche, Command-R étant un modèle fermé affiné et ouvert plus tard, on peut supposer qu’il est assez bien aligné pour usage pro (Cohere le destine aux entreprises, donc probablement il gère les refus appropriés, etc.). Zephyr 141B, de son côté, n’a pas de filtrage de sécurité spécifique lors de son RLHF (ils le mentionnent) : il peut donc répondre à tout, y compris produire des contenus sensibles si mal utilisé. Cela reflète un choix communautaire d’aligner sur l’utilité plus que sur la sécurité, laissant aux implémenteurs finaux le soin d’ajouter des filtres. DeepSeek semble avoir un positionnement intermédiaire : open et non bridé par des censures excessives, mais formé avec R1 sur des patterns de réflexion qui le rendent moins halluciné. Aucun incident majeur n’a été signalé sur sa sortie, ce qui est bon signe. Néanmoins, pour un décideur, si la conformité et la sécurité sont primordiales (secteurs réglementés), il faudra tester chaque modèle en conditions réelles. Certains modèles ouverts nécessiteront d’ajouter une couche de modération (ex : via un modèle de filtrage en amont). DeepSeek étant très récent, il n’a pas encore de long historique d’évaluation externe sur ces aspects, contrairement à LLaMA ou d’autres qui ont été disséqués pendant des mois par la communauté.
En définitive, DeepSeek-V3 se positionne comme le nouveau leader technique des LLM open source, avec des performances de pointe qui font de l’ombre à GPT-4 et consorts, et de solides capacités en contexte long et multilingue.
Il surpasse nettement LLaMA 2 et Mistral sur la qualité des résultats, mais au prix d’une complexité d’infrastructure nettement supérieure.
LLaMA 2 reste le choix pragmatique pour qui veut un modèle polyvalent, facile à déployer et bien supporté, tout en étant suffisamment performant pour de nombreux cas d’usage (sans atteindre l’excellence de DeepSeek sur les tâches expertes).
Mistral 7B/Mixtral 8×7B brillent par leur efficacité extrême : ce sont les outils rêvés pour intégrer de l’IA générative dans des environnements contraints (mobile, applications embarquées) ou pour servir un grand nombre d’utilisateurs avec peu de GPU, tout en ayant une qualité surprenante compte tenu de leur petite taille.
Gemma 2 offre une voie intermédiaire soutenue par un géant du cloud – une sorte de « GPT-3.5 open source by Google », stable et bien documenté, mais limité à l’anglais et sous des termes d’usage particuliers.
Command-R prouve qu’un acteur privé peut libérer (partiellement) un modèle avancé, toutefois sa licence NC en limite fortement l’intérêt pour la communauté open source commerciale.
Enfin, Zephyr montre la vitalité de l’écosystème : en quelques mois, des chercheurs open ont produit un modèle aligné de 141B paramètres open source, prêt à être testé par tous en chat – une perspective impensable il y a encore un an, et qui atteste que la frontière entre modèles open et fermés se réduit rapidement.
En somme, pour un projet IA en 2025, DeepSeek représente le nec plus ultra des LLM open source si l’on vise la performance maximale et qu’on dispose des ressources nécessaires, tandis que LLaMA 2 et Mistral sont des choix éprouvés pour un déploiement économique et flexible.
Des modèles émergents comme Gemma, Command-R, Zephyr enrichissent le paysage en offrant des alternatives spécifiques (Google-friendly, entreprise non-profit, expérimentation MoE…), témoignant d’une véritable renaissance des LLM open source.
Cette compétition ouverte stimule l’innovation et donne aux entreprises comme aux développeurs indépendants un vaste choix d’IA open source pour bâtir des solutions – des alternatives crédibles à GPT-4 et aux modèles propriétaires, sans les verrous ni les coûts exorbitants associés, tout en bénéficiant d’une transparence et d’une adaptabilité totales.
Les prochains mois promettent d’apporter encore de nouveaux progrès, confirmant que l’IA open source est là pour durer et rivaliser au plus haut niveau.