Face au coup d’éclat de DeepSeek en ce début 2025, les géants chinois de la tech n’ont pas tardé à réagir. Moins de deux semaines après l’arrivée de l’assistant DeepSeek-R1, Alibaba a annoncé en urgence une nouvelle version de son propre modèle d’IA, baptisée Qwen 2.5-Max, en affirmant qu’elle « surpasse le très acclamé DeepSeek-V3 » sur la plupart des critères.
Fait notable, Alibaba a choisi de dévoiler Qwen 2.5-Max le 29 janvier, en plein congé du Nouvel An lunaire en Chine alors que la plupart des entreprises sont fermées – signe de la pression exercée par la montée en puissance fulgurante de DeepSeek sur ses concurrents, y compris sur le sol chinois.
Dans un message posté sur WeChat, Alibaba Cloud a même chiffré cette avancée : Qwen 2.5-Max surpasserait non seulement DeepSeek, mais aussi GPT-4 (OpenAI) et le dernier Llama de Meta sur un large éventail de tâches.
L’onde de choc DeepSeek ne s’est pas limitée à Alibaba. Dès le 22 janvier, soit deux jours seulement après le lancement de R1, le groupe ByteDance – maison mère de TikTok – a déployé en toute hâte une mise à jour de son modèle Yantra (issu de son projet interne d’IA) et a clamé que celui-ci dépassait désormais le modèle o1 d’OpenAI sur le benchmark AIME, test mesurant la compréhension d’instructions complexes.
Cette assertion fait écho aux propres annonces de DeepSeek, qui avait indiqué que R1 égalait les performances de l’OpenAI o1 sur plusieurs évaluations de référence en logique et en mathématiques.
ByteDance et Alibaba, traditionnellement rivaux, se retrouvent ainsi unis dans une même urgence : combler le retard et démontrer que l’écosystème chinois peut non seulement suivre, mais aussi reprendre l’avantage technologique face à l’innovateur inattendu qu’est DeepSeek.
La concurrence s’est également intensifiée sur le terrain des tarifs. DeepSeek avait frappé fort en proposant dès mai 2024 une version antérieure de son modèle (DeepSeek-V2) en open source pour un coût d’usage symbolique d’environ 1 yuan par million de tokens (environ 0,14 $), provoquant une vraie guerre des prix en Chine.
Alibaba Cloud, notamment, avait riposté en annonçant dans la foulée des baisses de prix allant jusqu’à 97 % sur l’utilisation de ses propres modèles d’IA. L’offensive de DeepSeek-R1 en janvier 2025 a ravivé cette bataille tarifaire. La startup de Hangzhou mise sur un modèle économique à bas coût, cherchant à imposer ses solutions massivement plutôt qu’à dégager immédiatement de gros profits.
« Nous ne faisons pas la course aux prix, notre véritable objectif est l’AGI », a confié Liang Wenfeng, fondateur énigmatique de DeepSeek, lors d’un entretien à l’été 2025, insistant sur sa vision à long terme bien plus que sur les recettes à court terme. Ces déclarations reflètent la philosophie de DeepSeek : privilégier l’innovation ouverte et l’ambition scientifique, quitte à bousculer les modèles d’affaires établis.
Sur le front domestique, la montée en puissance de DeepSeek a en tout cas forcé une mise à niveau générale. Alibaba, Baidu, Tencent – tous les poids lourds chinois de l’IA – ont accéléré leurs calendriers de sortie et investi dans des améliorations de leurs propres IA génératives afin de ne pas se laisser distancer.
Tencent a ainsi signalé en février que ses modèles maison passeraient en revue les avancées de DeepSeek pour s’en inspirer, et Baidu, dont la première mouture de chatbot Ernie avait déçu, a promis une version améliorée alignée sur les nouvelles références du secteur.
À l’international, les géants américains observent également cette effervescence avec attention : OpenAI a annoncé renforcer ses travaux de R&D pour garder son avance, tandis que Google et Meta testent déjà en interne des approches visant à répliquer les gains d’efficacité popularisés par DeepSeek.
En quelques semaines, l’effet DeepSeek a ainsi redistribué les cartes de la compétition en IA, déclenchant une course à l’innovation dont les utilisateurs finaux pourraient être les grands bénéficiaires, à mesure que chaque acteur élève son niveau de jeu.